De la sonde à la petite cuillère : la ténacité d’une maman pour aider son enfant à enfin s’alimenter par la bouche. Témoignage de Stéphanie Pierrat

Depuis que CaliNange existe, nous avons eu la chance de rencontrer des personnes incroyables. Par leurs parcours, leurs combats, leur humanité et leur bienveillance.

Stéphanie Pierrat, infirmière et maman de 4 enfants, a traversé de nombreuses épreuves : Célestine, née prématurément et aujourd’hui âgée de 7 ans, a dû être alimentée par sonde gastrique pendant de nombreux mois.

Comment aider son enfant dans une situation aussi éprouvante ?

Stéphanie nous raconte son parcours et les épreuves qui l’ont conduit à trouver, ailleurs, des solutions pour aider sa fille à trouver le chemin d’une alimentation saine et sereine.

Pouvez-vous vous présenter et présenter votre parcours en quelques mots ?

Je m’appelle Stéphanie, j’ai 46 ans et suis mariée depuis 26 ans.

J’ai été infirmière hospitalière puis libérale et suis désormais infirmière en établissement scolaire dans l’Est de la France.

Maman de Clément 20 ans, Chloé 16 ans, Charlotte 12 ans,  Célestine 7 ans et Mamange de Capucine, on me qualifie parfois de maman poule. Je pense plutôt que c’est maman lionne en particulier pour Célestine qui est née prématurément avec une maladie génétique inconnue et que j’accompagne dans son parcours médical.  

Célestine a été hospitalisée pendant 6 semaines à sa naissance en Néonatalogie au CHU de Strasbourg. J’ai pu rester auprès d’elle grâce à la Maison des parents (résidence construite par la Fondation Mc Donald) mais éloignée du reste de ma famille.

Nous avons ensuite pu avoir un rapprochement de notre domicile au CH de Belfort pour les 2 mois suivants de réanimation. A l’arrivée à la maison, Célestine a été suivie en médicalisation à domicile avec des fréquentes hospitalisations jusqu’à ses 4 ans.

Depuis juillet 2019, notre vie avec elle et au sein de notre famille a considérablement changé.

C’est pour cela que je voulais témoigner aujourd’hui : pour partager aux parents d’enfants qui sont alimentés par sonde gastrique ou par gastrostomie, comment nous avons réussi à faire en sorte que notre fille mange enfin « par la bouche ».

Pouvez- vous nous parler du parcours alimentaire de votre fille?

Quand Célestine est née, elle était tellement petite qu’elle n’avait pas la force de téter un biberon entier. Elle n’a pas pu se passer de la sonde gastrique au fil du temps. Elle avait également des soucis respiratoires qui rendaient impossible la tétée complète, c’était trop d’efforts et elle s’épuisait. Plus elle se fatiguait, plus sa vie était en jeu. Mais elle continuait à être près de nous et s’accrochait pour vivre.

A la sortie de l’hôpital et aussi parce qu’elle arrachait de plus en plus sa sonde gastrique, Il a été alors décidé de lui poser un bouton de gastrostomie ou bouton Mickey®.

C’est un petit cône qui est relié à l’estomac et qui ressort au niveau du ventre de l’enfant, il est fermé par un clapet.  Ce bouton a permis de nourrir et d’hydrater notre fille au travers de poches de repas adaptées pour ses besoins.

Au début, elle n’était nourrie que la nuit avec un débit très lent pour former l’estomac car il ne pouvait recevoir que des petites quantités à la fois. Après 5 mois nous sommes passés à 4 repas par jour.

Pendant les moments d’alimentation qui durent en moyenne de 45 minutes à 1h30, 4 fois par jour et 1 fois la nuit, notre enfant est non seulement reliée à une machine, sans pouvoir bouger mais il arrive parfois des complications… Nous avons dû faire face plusieurs fois à une machine qui tombe en panne ou à une poche qui fuit et qui inonde le lit et l’enfant, souvent la nuit…ou dans le siège auto. Il nous est arrivé que le bouton parte et là, c’est panique à bord : départ en toute urgence pour l’hôpital.

De même, si nous voulions partir quelques jours en famille, nous devions prévoir les poches et une machine de rechange au cas où…bref, toute une logistique

Célestine grandissait, grossissait et allait mieux aussi d’un point de vue pulmonaire. Pour les équipes médicales, c’était très encourageant.

Mais moi, je n’en pouvais plus. Je voulais que ma fille puisse grandir et avoir une vie sociale familiale conviviale.

Alors j’ai cherché comment aider ma fille.

 J’ai cherché en France mais je n’ai pas trouvé de solutions adaptées.

J’ai cherché en Europe et là, j’ai découvert le programme No Tube en Autriche. Au début, je ne voulais pas aller plus loin. J’avais vu qu’ils réduisaient l’alimentation artificielle par sonde ce qui donnait la sensation de faim à l’enfant. Je ne voulais pas que ma fille ait faim en plus de tout ce qu’elle avait déjà vécu !

J’ai malgré tout continuer à me renseigner et puis, j’ai compris qu’en fait, ce serait la première fois où elle aurait la sensation de faim et que ça pouvait peut-être provoquer l’envie de manger.

Avant de nous lancer dans l’aventure NoTube, nous sommes allés une journée à Paris pour participer à un « pique-nique ludique » (un des principes fondamentaux). La référente nous explique le dispositif et nous installons parents et enfants sur des grands draps avec plein de nourritures très variées. Et ce jour-là, Célestine est allée vers les autres enfants et a mis du chocolat en bouche !! (ce qu’elle ne faisait que très rarement à la maison) Ce qui était incroyable , c’est qu’elle en a mis sur son visage et ses vêtements !

Cette séance a été rassurante car nous avons pu poser toutes nos questions et craintes sur le futur séjour en Autriche et une maman qui avait fait le séjour avec son enfant est venue témoigner. Nous avons pu facilement discuter avec elle de tout ce qui nous interrogeait.

Ça y est, c’est décidé : tentons de changer la vie de notre fille ! C’est parti pour 2 semaines en Autriche, en famille !

Nous sommes accueillis, dans une grande maison où une équipe pluridisciplinaire nous prend en charge pour un programme quotidien : pédiatre, psychomotricienne spécialisée dans les troubles de l’oralité, psychologues cliniciennes et surtout avec une interprète qui traduit tout ce qui est dit !

Nous découvrons un groupe de 10 enfants et leurs parents venant du monde entier.

Comment se passe le programme pour aider les enfants sondés à enfin se nourrir par la bouche ?

Nous logeons à proximité et sommes de 9h à 17h au centre. Toute la famille est intégrée dans des ateliers.

Il y a des activités pour les enfants avec les parents, des activités pour le papa, des activités pour la maman, des activités pour les frères et sœurs.

Les journées se déroulent toujours selon les mêmes rituels :

-          Le matin, le midi et en fin de journée : le cuisinier prépare à manger pour les parents et les enfants avec des plats adaptés. Les enfants choisissent parmi de nombreux modèles de vaisselle afin de mettre les aliments qu’ils choisissent librement. Les enfants sont incités à toucher la nourriture, observer les autres enfants qui mangent pour déclencher le mimétisme.

-          Chaque famille mange ensemble, comme une tablée à la maison mais avec des professionnels qui observent et conseillent.

En fin de matinée et en milieu d’après-midi, des ateliers sont organisés pour les enfants afin de les familiariser avec la nourriture et d’autres pour les parents pour intégrer les choses du regard et du ressenti de l’enfant.

Je me souviens particulièrement de 2 ateliers :

Un fond de tarte a été posé devant chaque enfant. Il devait les garnir de chantilly et autres décors de gâteaux.

On leur avait dessiné une tête de bonhomme sur une grande feuille blanche et il devait disposer des spaghettis cuites pour former les cheveux et du Ketchup pour former les yeux et le nez.

Pour comprendre ce que l’enfant ressent quand on lui donne à manger, l’un des parents était assis par terre et l’autre le nourrissait comme un bébé. Il y a quelques cuillères qui ont fini à côté et définitivement je déteste la cuillère qui râcle la joue pour récupérer ce qui est à côté de la bouche !

Un médecin nous accompagne quotidiennement. Il diminue tous les jours la quantité de calories apportée par la sonde, pour amener la sensation de faim et donc amener l’enfant à apporter par la bouche le complément de nourriture. Ce qui est rassurant, c’est qu’il s’adapte au rythme de son enfant.

Et pour Célestine ?

J’avais envie que 4 ans de sonde disparaissent en 2 semaines. Je sais que c’était irréalisable mais j’avais tellement hâte de voir ma fille manger un « vrai » aliment.

En réalité elle a commencé de boire du lait hypercalorique à la gourde. Une étape incroyable. Nous sommes rentrés à la maison sans être angoissées  et nous poursuivons les « ateliers repas » avec une implication de toute la famille auprès de Célestine. Quel bonheur de la voir boire avec sa gourde !!

Elle a encore son bouton mais mange un peu plus chaque jour. Tous les jours, le suivi médical se poursuit à distance et continue jusqu’ à 3 mois après le sevrage total par gastrostomie.

Nous sommes en bonne voie.

Que diriez-vous à des parents qui voudraient faire ce parcours d’aide au sevrage de sonde alimentaire ?

Le  programme NoTube représente un coût important, de l’ordre de 9 000 € mais nous avons de la chance d’être en France.

Il y a une possibilité de prise en charge par la Caisse d’Assurance Maladie. Des associations de parents comme Sourire d’enfant à Bourg-en-Bresse aide également à le financer.

J’espère que mon témoignage pourra aider des enfants sondés et leurs parents.

LMProd 2.0