L'osthéopathie au service des bébés prématurés

Comment gérer la douleurs des bébés nés prématurément? Les soins qu’ils reçoivent sont souvent intrusifs et douloureux pour ces tout petits bébés. Mais parfois la douleur est ailleurs, elle peut se situer dans une hanche, une épaule, un cou. Des douleurs beaucoup plus compliquées à détecter pour le personnel soignant qui travaille pourtant jour et nuit avec eux. C’est suite à son parcours d’infirmière en pédiatrie et réanimation néonatale, lorsqu’elle observait ces bébés au quotidien, que Séverine Prat a décidé de dédier sa vie professionnelle à soulager les douleurs des bébés et de leurs parents. 

Elle a donc repris ses études pour devenir ostéopathe en pédiatrie néonatale. Une spécialité finalement très peu répandue en France.

La problématique de la douleur chez les bébés prématurés est un sujet qui préoccupe de plus en plus les équipes médicales et qui permet, au-delà de soulager, de sauver la vie de nombreux bébés. 

Il ne nous reste plus qu’à vous laisser bercer par le récit plein de douceur et de passion de Séverine Prat.

Séverine, pouvez-vous vous présenter et présenter votre métier en quelques mots

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Je suis ostéopathe spécialisée en périnatalité et plus particulièrement auprès des bébés prématurés. Je suis infirmière de formation, j’ai exercé pendant 17 ans en pédiatrie à l’hôpital Necker et à l’hôpital Antoine-Beclère à Clamart. Comme l’hôpital Antoine-Beclère est le premier hôpital à avoir pratiqué la fécondation in vitro en France, il est réputé pour suivre beaucoup de femmes en situation de FIV encore aujourd’hui. Et comme les fécondations in vitro sont un facteur de risque des naissances prématurées, c’est là que j’ai découvert le monde de la prématurité

Très rapidement, j’ai eu envie d’en faire plus pour ces bébés, j’avais envie de les accompagner via les soins de développement. Je me suis intéressée aux soins d'ostéopathie mais je me suis rendue compte que ça n’existait que peu en France, et que le sujet était relativement méconnu. J’ai commencé à en parler à l’équipe avec qui je travaillais, ils ne souhaitaient pas travailler avec un ostéopathe qui ne connaisse pas la prématurité. C’est là que j’ai décidé de me lancer. J’ai découvert que je pouvais faire une formation supplémentaire donc j’ai foncé. 

En 2016, j’ai donc monté un dossier qui me faisait repartir pour 5 ans d’études. En parallèle je continuais à exercer mon métier d’infirmière. J’ai donc vécu 5 années très intenses !

A la fin de ces 5 ans, j’ai fait une année de spécialisation en ostéopathie périnatale et pédiatrique. Entre temps j’ai monté un cabinet d'ostéopathie pour les enfants, et leurs parents. Ma volonté, pour le futur, serait de pouvoir suivre les bébés prématurés pendant tout leur parcours à l’hôpital. 

Quel a été le déclencheur de ce changement de voie ?

J’ai suivi une petite fille née prématurément pendant 8 mois, je me suis beaucoup impliquée avec elle et sa famille. En la regardant, je voyais bien qu’il fallait la soulager autrement, c'est-à-dire avec des compétences complémentaires aux médicaments. Cette petite fille a complètement changé ma vie. Grâce à elle, j’ai cherché un autre point de vue pour aider ces bébés, qui m’a conduit vers l’ostéopathie. C’était très intense. On peut dire qu’elle a guidé mon nouveau parcours.

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Comment l’ostéopathie vient en aide aux bébés prématurés ?

L'ostéopathie agit comme un complément quand on voit qu’un bébé souffre. Quand une contrainte mécanique est appliquée à un enfant in utero par exemple, ça peut créer des tensions dans le corps du bébé. L’ostéopathie va permettre d’assouplir ces tensions et d’avoir un bébé qui se sent mieux, qui est plus serein. lien

J’ai souvent été appelée au chevet d’enfants qui avaient des troubles de la mobilité ou un comportement douloureux. On travaille en équipe avec les kinésithérapeutes, les psychomotriciens et les équipes infirmières pour soulager l’enfant. On avance plus vite ensemble. 

L'enfant est tellement plein de ressources: il a tellement envie d’aller mieux et de profiter de chaque option qu’on met à sa disposition pour vraiment récupérer. Les enfants sont fait pour vivre pleinement et les bébés prématurés se battent pour cela !

Depuis que je pratique l’ostéopathie, je me suis rendue compte du lien avec les soins de développement. Combiné à l'ostéopathie, on agit mieux sur le stress du bébé, et sur son bien-être pour lui éviter des soucis physiques.

On tient compte de son rythme, de ses possibilités, dans un respect tout à fait complet.

Parfois on m’appelle pour soutenir un bébé dont l’état se dégrade, j’y vais en tant qu’infirmière et ostéopathe. Ca m’est déjà arrivé de trouver des solutions avec mon regard d'ostéopathe, grâce à un diagnostic tissulaire ostéopathique par exemple. Il s’agit de tensions au niveau des tissus souples, les muscles, les fasciae, qui nous guident vers des zones du corps où se passe un problème, une inflammation par exemple

Je fais partie de l’équipe “douleur” du GH Sud Parisien qui regroupe 3 hôpitaux : Kremlin-Bicêtre, Antoine-Béclère et Paul Brousse, ainsi que des infirmières formées et référentes douleur en Réanimation néonatale. Dans ce cadre, j’ai beaucoup été sollicitée dans mon service. Une fois, par exemple, j’ai été appelée pour un bébé dont l’état de santé s’était rapidement dégradé sans que l’on comprenne pourquoi. Son comportement avait évolué, il réagissait très peu, son infirmier l’avait signalé et était venu me demander de l’aide pour les soins. Ce petit garçon semblait prostré, ce pouvait être le signe d’une grande douleur. J’ai commencé un bilan ostéopathique tissulaire, qui m’a mené vers sa hanche droite très rapidement. J’ai donc observé son positionnement, hanches fléchies, et tenté de mobiliser très doucement ses hanches. Le moindre mouvement sur la hanche droite déclenchait une douleur vive. Nous avons prévenu l’équipe médicale, qui a observé à son tour la même problématique et réalisé une échographie de hanche : cet enfant souffrait d’une infection de la hanche grave, qui a nécessité son départ au bloc opératoire dans l’heure, où le chirurgien a pu soigner l’infection. Quelques jours plus tard, ce petit garçon était de retour, totalement guéri. J’étais heureuse d’avoir pu aider grâce à l’ostéopathie à trouver la source de son problème, ce qui a permis une prise en charge rapide et efficace, à temps.

Une autre fois, c’est l'ostéopathie qui m’a donné les clés pour comprendre la douleur d’un enfant qui venait de naître. Pendant les soins à deux avec une collègue infirmière référente douleur elle aussi, nous constatons que ce bébé ne bouge pas un de ses bras. J’effectue un bilan des attractions tissulaires en ostéopathie, qui nous amène vers son bras peu mobile et sa nuque. Nous en informons le médecin réanimateur qui diagnostique une atteinte du plexus brachial consécutive à ces conditions de naissance. Il s’agit d’une fragilisation des nerfs provenant de la nuque et innervant le bras, suite à un traumatisme de type élongation lors des naissances difficiles. Le problème n’avait pas été détecté avant, et cet enfant souffrait depuis quelques heures déjà. Le plus important était de traiter sa douleur de manière immédiate et efficace, mais également de l’installer et de le faire suivre en kinésithérapie pour prévenir les séquelles nerveuses. Comme ce bébé a été pris en charge efficacement, il n’y a pas eu de problème.

Il me semble important de préciser que l’ostéopathie agit en complément des soins médicaux, et paramédicaux. L’un ne va pas sans l’autre bien entendu.

En tant que professionnelle de santé spécialiste de la douleur, en quoi pensez-vous que CaliNange peut venir en aide aux bébés nés prématurément, à leurs parents et au personnel soignant ?

Je me suis rapprochée de l’association Petit Mais Costaud car je me suis occupée du bébé des fondateurs de l’association. Quand ils ont créé l’association, je me suis enthousiasmée sur leur projet et ce sont eux qui m’ont mis en lien avec Aurore Saintigny, la créatrice de CaliNange.

J’ai tout de suite trouvé que CaliNange était exceptionnellement utile dans les soins. CaliNange est un outil de ressource très précieux. Travailler sur l’audition, un bruit connu comme le battement de cœur ou la voix des parents permet d’observer une réaction d’apaisement chez le bébé. Pour moi, CaliNange est un outil de santé qui m’aurait été précieux dans l’accompagnement des bébés. Quand un bébé est en train de se battre et qu’il a besoin de trouver des ressources, Câlinange est une ressource sur laquelle l’enfant peut s’appuyer, par exemple en temps de sevrage d’un traitement médicamenteux et pour l’aider dans son développement.

Auparavant, j’ai travaillé avec le Dr Zupan, qui a été précurseur dans les soins d’hypothermie et qui travaille dans le suivi de développement des grands prématurés dans le cadre du réseau CAMPS. A sa demande, j’avais travaillé avec elle sur un programme de stimulations positives précoces des 5 sens pour les bébés prématurés. Il s’agissait de proposer aux bébés des expériences sensorielles agréables à chaque séance.  Quand on m’a parlé de CaliNange, ça m’a rappelé ce programme : un dispositif qui permet une stimulation agréable pour l’enfant, au niveau olfactif, auditif, et tactil. C’était comme un écho . Et je me dis que CaliNange aurait pu avoir totalement sa place dans ce programme.

CaliNange est, selon moi, un dispositif qui a beaucoup d’avenir dans les soins du développement. Aujourd’hui, je vois que ces soins sont acceptés, se développent, que tout le monde prend conscience que travailler sur le stress des bébés peut les aider.

Il ne faut pas oublier que la prise en charge des bébés prématurés est récente, ça date des années 60, il y a encore un chemin incroyable à parcourir même si j’observe un intérêt grandissant de la part des soignants à ce sujet. Il y a eu tellement de choses à faire et à inventer pour ces bébés depuis 50 ans. Travailler sur la ventilation, créer des couveuses, apprendre les soins de développement… Et aujourd’hui, je ne peux qu’encourager les hôpitaux à investir dans CaliNange pour les patients de leurs services et leurs familles, pour permettre aux bébés et à leurs parents de garder un lien quoiqu’il arrive, et soutenir les bébés prématurés durant leur parcours à l’hôpital.

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